Critique
Dans le cabinet de curiosités des Médicis
| 25.11.10 | 16h54 • Mis à jour le 25.11.10 | 16h54
SPONSORISÉS PAR
Du XIVe au XVIIIe siècle, les Médicis ont été marchands, banquiers, potentats, tyrans, ducs, grands ducs, princes, papes même. Ils ont conduit, gagné et perdu des guerres, les premières avec la seule Toscane pour champ de bataille et, plus tard, des provinces entières. Ils ont excellé dans l'art des alliances matrimoniales afin d'agrandir leurs territoires, renforcer leur pouvoir et augmenter leur fortune. Ils ont traité d'égal à égal avec les princes allemands, la République de Venise et la papauté romaine - jusqu'à déléguer l'un des leurs sur le trône de saint Pierre. Deux de leurs filles, Catherine et Marie, sont devenues reines et régentes de France. La chronique de leur famille occuperait des volumes.
De Florence, ils ont fait leur fief, leur capitale et le symbole de leur grandeur. Par leurs palais et aménagements, ils ont déterminé la forme de la ville et cela se voit encore aujourd'hui, entre place de la Seigneurie, galerie des Offices, palais Pitti et jardin de Boboli. Par leurs mécénats, leurs goûts et leurs faveurs, ils ont immensément influencé le cours de l'histoire de la peinture, de la sculpture et de l'architecture, de Fra Angelico à Michel-Ange en passant par Botticelli et Bronzino.
Une exposition qui veut raconter cette histoire en détail doit vider tous les musées de Florence et largement puiser dans quelques autres. Elle est donc irréalisable. LeMusée Maillol, qui n'est déjà pas le plus vaste de Paris, a trouvé une solution prudente - et fort ingénieuse. Sous un titre un peu tape-à-l'oeil, "Trésor des Médicis", elle montre à peu près 150 objets ayant appartenu aux générations successives de la famille. Par objets, il faut entendre aussi bien des oeuvres d'art (tableaux, bronzes, marbres), objets décoratifs (camées, porcelaines), bijoux, mosaïques de pierres dures, objets scientifiques, livres et objets dits "de curiosité"parce qu'ils surprenaient ou venaient de loin.
Ils ont été commandés par un ou une Médicis, ou achetés par un émissaire, ou reçus en cadeau diplomatique ou en dot. Quelques-uns ont été trouvés dans les champs : ceux qui révélaient le passé antique, à commencer par l'admirable statue de bronze de L'Orateur, dont les sept morceaux, découverts en 1566, furent finement soudés un peu plus tard. Posséder un tel chef-d'oeuvre romain était, pour les Médicis, la manière la plus directe de s'inscrire dans la continuité de l'histoire.
Un collier taïno
Accumuler les coupes taillées dans des blocs de lapis-lazuli, de calcédoine ou de cristal de roche, une fontaine à vin en ambre, les plus grosses perles du monde - plusieurs furent volées par la reine Elisabeth Ire d'Angleterre et n'ont jamais été rendues - était la manière la plus visible de manifester l'inépuisable richesse des finances médicéennes.
L'exposition est très richement pourvue en la matière, un peu trop même, car ces étalages de pierreries et d'orfèvrerie ont vite fait de lasser. Elle intéresse bien plus quand elle rappelle, preuves à l'appui, que, dans les collections des Médicis, il se trouvait aussi, dès la Renaissance, des vases et des nacres chinois, un grand manteau de plumes du Brésil, un admirable masque de jade de la civilisation de Teotihuacan, un collier de coquillages sculptés taïno et des ivoires africains.
Ceux-ci relèvent de ce que l'on nomme art afro-portugais, car commandés à des sculpteurs du Bénin par des marchands portugais. Dürer possédait une salière de cette origine et Côme Ier de Médicis (1537-1574) cinq cuillères magnifiquement ouvragées et ajourées. Trois sont à Paris, pour rappeler que, à la fin du XVIe siècle, un prince florentin était aussi curieux de l'Afrique que du Nouveau Monde et plaçait les oeuvres qui en venaient dans le même cabinet précieux que ses onyx hellénistiques et romains.
"Trésor des Médicis", Musée Maillol, 61, rue de Grenelle, Paris 7e. Tous les jours, de 10 h 30 à 19 heures, le vendredi jusqu'à 21 h 30. Entrée : 11 €. Jusqu'au 31 janvier 2011. Tél. : 01-42-22-59-58.
No hay comentarios:
Publicar un comentario